La Fondation Chagnon est comme une pieuvre...
jeudi 30 octobre 2008
Québec en forme - le milieu un peu moins!
Pour opérationaliser sa mission, Québec en forme s’est régionalisé. Il y a des personnes de son équipe embauchées dans toutes les régions du Québec. En Outaouais-Abitibi, il y en a sept (7).
C’est donc en région que Québec en forme cherche des partenaires avec lesquels il monte, supervise et finance des programmes d’activité physique qui se réalisent en milieu scolaire ou para-scolaire (un samedi matin ou dans un organisme communautaire famille par exemple). Pour réaliser son programme régionalisé, Québec en forme crée des partenariats territoriaux qui s’appellent les Comités d’action locale (CAL). Un CAL, qui embauche et supervise le personnel du Québec en Forme, est composé des directeurs des écoles du territoire visé, des représentants du CSSS, des groupes communautaires (particulièrement du secteur famille), des maisons des jeunes, etc). Les projets soutenus sont ceux qui répondent aux objectifs étroits de la Fondation Chagnon (activités physiques, alimentation, 0 à 16 ans).
Le financement
L’ensemble des projets administré par Québec en forme est financé par le Fonds pour la promotion des saines habitudes de vie. Ce Fonds de 400 millions $ a été constitué pour une période de dix ans, par l’adoption d’une loi publique (La Loi instituant le Fonds pour la promotion des saines habitudes de vie, juin 2007). (Les 400 millions $ est le cumul, sur dix ans, d’un investissement annuel de 20 millions $ par la Fondation Chagnon et de 20 millions $ par le Gouvernement (et dont les détails se trouvent dans la législation)
Le Fonds pour la promotion des saines habitudes de vie est géré par une société de gestion qui réunit le ministre de la Santé et des Services sociaux et la Fondation Chagnon. La société de gestion gère les contributions des partenaires et les affecte à la réalisation des objectifs du Fonds. La majorité du Fonds, soit 75% est destinée à financer des projets issus des communautés locales pour des interventions en alimentation et en activité physique auprès des jeunes de 0 à 17 ans.
Déstabilisation du milieu
Depuis sa création, on critique la très riche Fondation Chagnon de déstabiliser le milieu. Québec en Forme est un excellent exemple.
D’abord, comme n’importe quelle fondation, la Fondation Chagnon a des objectifs. Il doit dépenser son argent en respectant ses objectifs. À la différence d’autres fondations, la Fondation Chagnon est elle-même très riche.
Aussi à la différence des autres fondations, la Fondation Chagnon est étroitement en lien avec l’État. Elle participe à la formulation des plans d’action gouvernementaux et des projets de loi publics. Comme par hasard, ces deux (plans d’action et projets de loi) vont exactement dans le même sens que les objectifs de la Fondation. Avec la création des deux fonds dédiés pour soutenir les deux organismes Québec en Forme et Québec Enfants de la Fondation, elle met la main sur un total de 800 000 000 $ ( dont 350 000 000 $ des fonds publics) pour soutenir ses objectifs.
Ensuite, la Fondation réalise ses objectifs sur le plan local en créant des partenariats, les CAL. Ces partenariats sont formés autour des objectifs de la Fondation, c’est-à-dire les saines habitudes de vie, l’obésité, l’activité physique et les jeunes (définis comme entre 0 et 16 ans.)
Impact sur le communautaire.
D’emblée, les 350 000 000 $ investis dans les fonds dédiés de la Fondation Chagnon, c’est 350 000 000 $ que l’État ne verse pas aux organismes communautaires en financement de mission ou aux écoles pour soutenir l’éducation publique.
Plus spécifiquement, le communautaire a soudainement accès a beaucoup d’argent… d’argent « tagué » aux objectifs de la Fondation Chagnon. Les groupes communautaires peuvent y avoir accès dans la mesure où ils développent des activités
1) qui ne sont pas demandées par leurs membres ; mais
2) qui sont conformes aux objectifs de la Fondation Chagnon ;
ET
3) dans la mesure où le groupe accepte de dégager des ressources pour participer à des rencontres partenariales du CAL.
Exemple. Une maison de quartier fait de l’intervention dans son quartier. Auprès des adultes, des aînées, des ados et des jeunes. Elle a une friperie, une cuisine collective. Elle organise des café-rencontres sur des enjeux socio-politiques. Elle offre des séances de couture, organise de l’aide aux devoirs, et l’été elle parraine un jardin communautaire. Et elle offre un service d’halte-garderie pour permettre aux parents de participer aux activités de l’organisme. Tout ça avec un très petit budget et une équipe de travail de trois personnes. Et beaucoup de bénévoles.
La Fondation Chagnon arrive avec Québec en Forme et sa porte-feuille. La maison est invitée à participer au CAL et donc de pouvoir avoir accès à des sous supplémentaires (30 000$) si elle embarque dans la programmation proposée. Elle y va, déniche le 30 000$ … et découvre qu’elle s’est engagée dans une toute nouvelle voie où les priorités ne sont plus les siennes. Pour avoir les 30 000$, elle doit être ouverte le samedi matin (activités physiques des ados), participer à des rencontres régulières du CAL (donc du temps où les travailleurs sont à l’extérieur de la maison), établir des liens avec l’école primaire du coin (sur des dossiers qui ne l’intéressent pas – elle avait déjà un lien avec l’école sur les dossiers qui l’intéressait…). Elle doit ajouter à son horaire des activités pour les 0 à 16 ans sur les saines habitudes de vie… En fait, on doit utiliser tout le 30 000$ pour créer un poste pour répondre à des besoins qui n’étaient pas là avant que les 30 000$ soit dans le décor.
Sommes-nous dans les patates ?
Avez-vous des exemples semblables ?
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Un partenariat public-privé dans le domaine du social: Le Fonds québécois d'initiatives sociales
Le FQIS n’administre pas un budget de 250 millions $ et n’est pas constitué par une taxe spéciale sur les entreprises.
C'est bien le contraire. Le ministère des pauvres (identifié comme celui de l'Emploi et de la solidarité sociale sur le site gouvernemental) présente le FQIS comme un des "principaux outils" pour "favoriser l’émergence de stratégies locales de lutte contre la pauvreté". Il joue « un rôle de catalyseur et de levier » pour permettre «la mise en commun des ressources de divers intervenants privés, publics et communautaires afin de permettre le développement humain, social et économique de leur propre milieu. »[1] Ce levier et catalyseur de lutte contre la pauvreté, que l'on identifie comme un partenariat privé-public[2] a disposé en 2004-2005 d’investissements de 16 millions $, dont 5 millions $ provenaient de la Fondation André et Lucie Chagnon. (NDLR : Le lettrage gras dans ce paragraphe nous appartient)En 2006-07, l’actif du Fonds avait baissé à 5,7 millions $ (crédits gouvernementaux) et un surplus accumulé de 2,2 millions $ pour un total de 7,9 millions $. Au 31 mars 2007, le surplus accumulé était de 2,5 millions $.
Que se passe-t-il ?
Dans le Rapport annuel d’Emploi Québec 06-07, le ministère ne fait plus référence à la participation directe de la Fondation Chagnon au FQIS. Encore plus étrange, dans le Bilan de la troisième année (lutte contre la pauvreté), on ne fait plus aucune mention du FQIS.
Tout un levier dans la lutte contre la pauvreté!
Tout un catalyseur!!
(Nos excuses à Winston Churchill)
Oh, on vient de comprendre…
En 2006, le ministère de l’Emploi et de la solidarité sociale a conclu un cadre de financement avec les Corporations de développement communautaire, les identifiant comme les répondants locaux en matière de la lutte contre la pauvreté.
Simultanément, les Conférences régionales des élus (CRÉ) et certaines villes (Longueuil), de qui relèvent maintenant un mandat de « développement social », ont amorcé un processus de négociation des ententes régionales quinquennales avec le FQIS. Ces ententes, basées sur l’approche territoriale intégrée (ATI) – cette approche est mentionnée pour la première fois dans le Plan d’action en matière de lutte contre la pauvreté (2002).
L’argent du FQIS, pour financer ces ententes, a commencé a coulé à flot le 1e avril 2008. D’après nos informations, ce sont souvent les CDC qui gèrent cet argent. (A compléter ou à infirmer SVP)
Informations complémentaires
En 2006-07, le FQIS a soutenu «principalement»
o la Ville de Montréal
o le projet Centre Premier Berceau, géré par Autonomie Jeunes Familles, dans le cadre d’une entente avec la Fondation Lucie et André Chagnon (volet prévention de la pauvreté des enfants 0-6 ans et leurs parents).
o une entente interministérielle de financement des activités du Club des petits déjeuners. Une entente de 2 ans renouvelée jusqu’en 2007 …
Deux autres projets sont mentionnés dans le Bilan annuel d’Emploi-Québec 2006-07
o Sécurité alimentaire Estrie
o Emploi et solidarité
Des précisions sur quelques projets soutenus par le FQIS en 2006-07
Sécurité Alimentaire Estrie a reçu du FQIS 112 166$ (06-07). Sur quatre ans, le projet recevra un montant total de 300 000 $ . «Les services visés comportent des activités de récupération et de dépannage alimentaire, de popote roulante, de cuisines collectives, de groupes d’achat et de comptoir familial afin de mieux combattre l’insécurité alimentaire des personnes et des familles démunies. Ce projet est réalisé en partenariat avec l’Agence de la SSS de l’Estrie, la Ville de Sherbrooke et Bell Canada…» (Bilan d’Emploi-Québec 06-07, p 83)
Projet pilote : Emploi et solidarité
«Dans le but d’expérimenter une nouvelle approche visant l’intégration au travail de personnes très éloignées du marché du travail, le FQIS a subventionné COMSEP (Trois-Rivières). » Ce projet a reçu du FQIS 170 250 $ (06-07); l’entente globale entre l’organisme et le FQIS monte à 725 000 $. Par ce projet, vingt participants s’engagent graduellement dans un parcours d’insertion professionnelle sur une période de 26 mois. (Bilan d’Emploi-Québec 2006-07, p. 83)
Centre Premier Berceau
Le Centre Premier Berceau est un projet soutenu par le FQIS. Le Centre est un projet du groupe Autonomie Jeunes Familles qui, lui, est un OBNL «dirigé par un conseil d’administration qui est formé de représentants du gouvernement ainsi que de la Fondation Andre et Lucie Chagnon.» (Bilan annuel d’Emploi-Québec 2006-07)
Voir des messages spécifiques sur le Centre Premier Berceau et sur le groupe Autonomie Jeunes Familles ailleurs dans cet Observatoire.
Le Club des petits déjeuners
Le Club des petits déjeuners est un OBNL dont la mission consiste à offrir aux enfants un petit déjeuner complet et nutritif dans les écoles primaires et secondaires en milieu défavorisé, tout en leur facilitant l’accès à des outils consacrés à leur réalisation personnelle, et ce, en collaboration avec des partenaires qui s’engagent à contribuer au bien-être des enfants. Les déjeuners sont servis dans les locaux des écoles avant l’heure des classes. (Bilan d’Emploi-Québec 2006-07, p 82)
[1] Concilier liberté et justice sociale., p. 70 (Mesure 3,1)
[2] Ibid., p. 57.